l) le pays
Les gens vivaient de façon simple, on se
contentait de peu ; il n'y avait pas de
vraie misère. La polyculture et un peu
d'élevage permettaient l'autarcie de ces
familles moyennes : outre la volaille,
les lapins et le cochon traditionnel, on
possédait deux ou trois vaches que l'on
ferrait et employait aux travaux des
champs. Elles donnaient juste le lait
nécessaire à la consommation familiale.
Les plus aisés avaient aussi un cheval.
Les environs ne comptaient guère de
plantations d'arbres, en amont de Saint
Saturnin (la forêt est récente). La
moindre parcelle de terre était
travaillée ; on plantait des frênes en
bordure et on les utilisait comme bois
de chauffage, pour la menuiserie et
aussi en fagots de branchages pour
nourrir les moutons l'hiver.
Saint Saturnin, avant 1900, semblait
construit au milieu de collines striées
de murettes parallèles, telles des
amphithéâtres, qui soutenaient la terre
débarrassée de ses pierres, au prix de
gros efforts : les cheirrats : on minait
les rochers et les accidents n'étaient
pas rares. Cette terre précieuse
transportée dans les «berthes» et
répartie parcimonieusement, était
réservée à la vigne.
Cette dernière a été relativement
épargnée par le phylloxéra de 1896 ;
c'est la guerre de 1914 qui lui a porté
le coup fatal : quand les hommes ont été
appelés au front, les femmes n'ont pu
continuer à soigner et ont utilisé ces «cheirrats»
pour y mettre les moutons.
Bien que moins bien orienté que Saint
Sandoux, Saint Saturnin était le lieu
d'une production fruitière abondante
(pommes - cerises) autrement importante
qu'aujourd'hui.
Les pommes étaient apportées au moulin
de la Varenne (en contrebas de Randol)
où on les pressait pour obtenir le cidre
; le moulin servait aussi à la
fabrication de la farine.
Après la récolte des noix «de la
commune››, le conseil municipal
procédait à une adjudication ou bien
traitait la vente de gré à gré avec la
personne qui en offrait le meilleur
prix. L'huile de noix était produite à
la sortie de Saint Amant-Tallende (au
lieu-dit Le Montel).
Pour aller aux champs, quand ils ne se
véhiculaient pas en charrette, les
paysans portaient dans leur berthe,
accrochée à leur dos, leurs outils :
houe - pioche - faucille - faux.
Le «bousset››, indispensable petit
tonneau contenant 1 à 2 litres de vin
accompagnait le tout, accroché à leur
ceinture.
A la ferme, dans les granges, ils
utilisaient le fléau, le tarare. Les
journées de batteuse, comme ailleurs,
étaient l'occasion de plantureux repas
dans la bonne humeur.
En 1901, se créa le premier Syndicat
Communal Viticole (président M. Guittard).
1903 vit la naissance de la Caisse d'
Assurances Mutuelles contre la mortalité
du bétail : 50 adhésions.
L'architecture des maisons est le reflet
de cette région de viticulture associée
à une polyculture familiale. Certaines
de ces maisons en pierres sont restées
intactes : elles comportent un étage
pour l'habitation auquel on accède par
un escalier extérieur couvert par
l'avancée du toit. Immédiatement dessous
: une grande porte s'ouvre sur les
escaliers des caves : la première est un
important cuvage : le sanctuaire, la
seconde sert de réserve pour les pommes
de terre, betteraves, etc.. «L'écurie››
et la grange se trouvent dans le même
corps de bâtiment que la maison
d'habitation.
2) le pain
Les gens apportaient au boulanger la
farine et celui-ci pétrissait et cuisait
le pain, qu'il délivrait ensuite en
notant ses comptes par encoches sur une
baguette de bois. Les boulangers
cuisaient le pain des Saturnois les
mercredis et samedis, confectionnaient
la miche du dimanche, et les autres
jours faisaient «la tournée›› en
montagne pour approvisionner les fermes
isolées. (Pendant la guerre, les
habitants durent faire cuire eux-mêmes
leur pain).
Il y avait deux boulangers et il y eut
plusieurs fours. Le dernier four
communal fut créé suit au tollé général
qui se produisit en 1921 lorsque les
habitants de Saint Saturnin s'aperçurent
que la cuisson d'un pain d'une livre
leur était comptée 0,05 c, alors qu'à
Saint Amant et dans les communes des
environs, elle n'était que de 0,05 c par
kilo.
Ce fut un officier en retraite de la rue
des Nobles qui avança la somme de 3 200
F pour effectuer les travaux de
construction du four dans une maison
achetée par la commune. Le père Dauphin
fut le dernier homme chargé de
l'entretien de ce four.
3) les veillées
Elles se faisaient, par quartiers,
tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre
dans l'écurie. En arrivant, on
accrochait sa lampe à pétrole à
l'entrée. Les hommes jouaient aux
cartes, les femmes tricotaient, les plus
âgées filaient ; on répétait les
histoires drôles devant un auditoire bon
public, et on commentait les nouvelles,
communiquées par celui qui pouvait
acheter le journal : «le Moniteur» ou
«l'Avenir du plateau central» - article
de luxe pour la plupart.
4) les lessives
Les familles utilisaient «le cuvier» du
quartier, deux fois l'an, et les
lessives (gougeade) duraient parfois
trois jours. Dans cette grande vasque en
terre, on entassait le linge sur lequel
on mettait la cendre... du four communal
(on récupère tout en Auvergne). On
versait de l'eau bouillante jusqu'à ce
que l'eau ressortît claire par un
orifice situé dans le fond de ce cuvier
; alors les femmes chargeaient les
brouettes et allaient rincer et battre
le linge dans le lavoir du quartier. Le
lavoir de la Freydière (sous le château)
qui était le plus important servait de
dépannage éventuel. Ensuite elles «
écartaient» le linge sur les fils de la
commune prévus à cet effet le long des
chemins vicinaux. Dans les grandes
maisons, il n'y avait qu'une lessive par
an.
5) les bredins, le kike et le jules
Comme dans tous les villages, on voyait
un certain nombre de «simples» ou
«bredins», la vigne n'étant pas toujours
étrangère à cet état de fait.
A Saint Saturnin, les bredins les plus
célèbres étaient le kike et le jules,
autrement dit les Dadas : des
journaliers agricoles qui habitaient une
petite maison de bordure des gorges de
la Monne - derrière l'église. Les gens
qui les ont connus en parlent avec
amusement et tendresse.
6) les commerçants
Il y avait plusieurs bistrots, lieux de
rencontre des hommes à Saint Saturnin.
Les petites épiceries pittoresques -
flanquées d'un bistrot - vendaient le
complément de la production familiale :
le riz, le sel, dans de grands sacs en
jute, les pains de sucre, le pétrole, et
les harengs fumés, le beurre (on
cuisinait à la graisse de porc dans les
fermes), la laine, les coupons d'étoffe
et les boutons... La plus typique était
celle de la Mariette-Pot-de-Chambre qui
vendait entre autres cet ustensile, de
la vaisselle, et surtout des bonbons aux
élèves du pensionnat voisin Saint
Joseph.
Un maréchal-ferrant (M. Lacquit vers
1920) et un «charron» (M. Verchère, rue
des Nobles) ne chômaient pas. On notait
deux menuisiers à plein-temps, et un
sabotier. L'hiver, tout le monde, peu ou
prou, bricolait. C'était dans la rue de
la boucherie qui monte à l'église que
l'on voyait le plus d'échoppes. Mais en
contrebas, les habitations creusées dans
le mur et les rochers ont été comblées
et il n'y a plus que des murs aveugles.
Le coiffeur (M. Vendange) officiait le
samedi soir et le dimanche matin dans
une maison de ce quartier.
Un abattoir, sis à l'entrée de la rue de
la boucherie, ferma vers 1956. Au XIX°
siècle, Pagnat et Vaucan étaient
vraisemblablement des villages de
tisserands. Les meilleures terres
étaient réservées au chanvre et dans la
vallée de la Monne, on pratiquait le
rouissage, fermentation des tissus
végétaux permettant de séparer les
fibres. En gardant les vaches ou les
moutons, les femmes exécutaient des
travaux de passementerie qui étaient
ensuite apportés à une dame de Saint
Amant Tallende, intermédiaire des
commerçants d'Issoire ou
Clermont-Ferrand.
Mais le lin et le coton d'importation
remplacèrent ce tissu rêche dans lequel
on taillait des draps si solides qu'on
les appelle parfois «sempiternes››.
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