les traditions en auvergne 63450


Saint Saturnin Autrefois (1890 – 1930)


II - La vie de tous les jours
 

l) le pays

Les gens vivaient de façon simple, on se contentait de peu ; il n'y avait pas de vraie misère. La polyculture et un peu d'élevage permettaient l'autarcie de ces familles moyennes : outre la volaille, les lapins et le cochon traditionnel, on possédait deux ou trois vaches que l'on ferrait et employait aux travaux des champs. Elles donnaient juste le lait nécessaire à la consommation familiale. Les plus aisés avaient aussi un cheval.
Les environs ne comptaient guère de plantations d'arbres, en amont de Saint Saturnin (la forêt est récente). La moindre parcelle de terre était travaillée ; on plantait des frênes en bordure et on les utilisait comme bois de chauffage, pour la menuiserie et aussi en fagots de branchages pour nourrir les moutons l'hiver.
Saint Saturnin, avant 1900, semblait construit au milieu de collines striées de murettes parallèles, telles des amphithéâtres, qui soutenaient la terre débarrassée de ses pierres, au prix de gros efforts : les cheirrats : on minait les rochers et les accidents n'étaient pas rares. Cette terre précieuse transportée dans les «berthes» et répartie parcimonieusement, était réservée à la vigne.
Cette dernière a été relativement épargnée par le phylloxéra de 1896 ; c'est la guerre de 1914 qui lui a porté le coup fatal : quand les hommes ont été appelés au front, les femmes n'ont pu continuer à soigner et ont utilisé ces «cheirrats» pour y mettre les moutons.

Bien que moins bien orienté que Saint Sandoux, Saint Saturnin était le lieu d'une production fruitière abondante (pommes - cerises) autrement importante qu'aujourd'hui.
Les pommes étaient apportées au moulin de la Varenne (en contrebas de Randol) où on les pressait pour obtenir le cidre ; le moulin servait aussi à la fabrication de la farine.
Après la récolte des noix «de la commune››, le conseil municipal procédait à une adjudication ou bien traitait la vente de gré à gré avec la personne qui en offrait le meilleur prix. L'huile de noix était produite à la sortie de Saint Amant-Tallende (au lieu-dit Le Montel).
Pour aller aux champs, quand ils ne se véhiculaient pas en charrette, les paysans portaient dans leur berthe, accrochée à leur dos, leurs outils : houe - pioche - faucille - faux.
Le «bousset››, indispensable petit tonneau contenant 1 à 2 litres de vin accompagnait le tout, accroché à leur ceinture.
A la ferme, dans les granges, ils utilisaient le fléau, le tarare. Les journées de batteuse, comme ailleurs, étaient l'occasion de plantureux repas dans la bonne humeur.
En 1901, se créa le premier Syndicat Communal Viticole (président M. Guittard). 1903 vit la naissance de la Caisse d' Assurances Mutuelles contre la mortalité du bétail : 50 adhésions.
L'architecture des maisons est le reflet de cette région de viticulture associée à une polyculture familiale. Certaines de ces maisons en pierres sont restées intactes : elles comportent un étage pour l'habitation auquel on accède par un escalier extérieur couvert par l'avancée du toit. Immédiatement dessous : une grande porte s'ouvre sur les escaliers des caves : la première est un important cuvage : le sanctuaire, la seconde sert de réserve pour les pommes de terre, betteraves, etc.. «L'écurie›› et la grange se trouvent dans le même corps de bâtiment que la maison d'habitation.

2) le pain
Les gens apportaient au boulanger la farine et celui-ci pétrissait et cuisait le pain, qu'il délivrait ensuite en notant ses comptes par encoches sur une baguette de bois. Les boulangers cuisaient le pain des Saturnois les mercredis et samedis, confectionnaient la miche du dimanche, et les autres jours faisaient «la tournée›› en montagne pour approvisionner les fermes isolées. (Pendant la guerre, les habitants durent faire cuire eux-mêmes leur pain).
Il y avait deux boulangers et il y eut plusieurs fours. Le dernier four communal fut créé suit au tollé général qui se produisit en 1921 lorsque les habitants de Saint Saturnin s'aperçurent que la cuisson d'un pain d'une livre leur était comptée 0,05 c, alors qu'à Saint Amant et dans les communes des environs, elle n'était que de 0,05 c par kilo.
Ce fut un officier en retraite de la rue des Nobles qui avança la somme de 3 200 F pour effectuer les travaux de construction du four dans une maison achetée par la commune. Le père Dauphin fut le dernier homme chargé de l'entretien de ce four.

3) les veillées
Elles se faisaient, par quartiers, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre dans l'écurie. En arrivant, on accrochait sa lampe à pétrole à l'entrée. Les hommes jouaient aux cartes, les femmes tricotaient, les plus âgées filaient ; on répétait les histoires drôles devant un auditoire bon public, et on commentait les nouvelles, communiquées par celui qui pouvait acheter le journal : «le Moniteur» ou «l'Avenir du plateau central» - article de luxe pour la plupart.

4) les lessives
Les familles utilisaient «le cuvier» du quartier, deux fois l'an, et les lessives (gougeade) duraient parfois trois jours. Dans cette grande vasque en terre, on entassait le linge sur lequel on mettait la cendre... du four communal (on récupère tout en Auvergne). On versait de l'eau bouillante jusqu'à ce que l'eau ressortît claire par un orifice situé dans le fond de ce cuvier ; alors les femmes chargeaient les brouettes et allaient rincer et battre le linge dans le lavoir du quartier. Le lavoir de la Freydière (sous le château) qui était le plus important servait de dépannage éventuel. Ensuite elles « écartaient» le linge sur les fils de la commune prévus à cet effet le long des chemins vicinaux. Dans les grandes maisons, il n'y avait qu'une lessive par an.

5) les bredins, le kike et le jules
Comme dans tous les villages, on voyait un certain nombre de «simples» ou «bredins», la vigne n'étant pas toujours étrangère à cet état de fait.
A Saint Saturnin, les bredins les plus célèbres étaient le kike et le jules, autrement dit les Dadas : des journaliers agricoles qui habitaient une petite maison de bordure des gorges de la Monne - derrière l'église. Les gens qui les ont connus en parlent avec amusement et tendresse.

6) les commerçants
Il y avait plusieurs bistrots, lieux de rencontre des hommes à Saint Saturnin.
Les petites épiceries pittoresques - flanquées d'un bistrot - vendaient le complément de la production familiale : le riz, le sel, dans de grands sacs en jute, les pains de sucre, le pétrole, et les harengs fumés, le beurre (on cuisinait à la graisse de porc dans les fermes), la laine, les coupons d'étoffe et les boutons... La plus typique était celle de la Mariette-Pot-de-Chambre qui vendait entre autres cet ustensile, de la vaisselle, et surtout des bonbons aux élèves du pensionnat voisin Saint Joseph.
Un maréchal-ferrant (M. Lacquit vers 1920) et un «charron» (M. Verchère, rue des Nobles) ne chômaient pas. On notait deux menuisiers à plein-temps, et un sabotier. L'hiver, tout le monde, peu ou prou, bricolait. C'était dans la rue de la boucherie qui monte à l'église que l'on voyait le plus d'échoppes. Mais en contrebas, les habitations creusées dans le mur et les rochers ont été comblées et il n'y a plus que des murs aveugles.
Le coiffeur (M. Vendange) officiait le samedi soir et le dimanche matin dans une maison de ce quartier.
Un abattoir, sis à l'entrée de la rue de la boucherie, ferma vers 1956. Au XIX° siècle, Pagnat et Vaucan étaient vraisemblablement des villages de tisserands. Les meilleures terres étaient réservées au chanvre et dans la vallée de la Monne, on pratiquait le rouissage, fermentation des tissus végétaux permettant de séparer les fibres. En gardant les vaches ou les moutons, les femmes exécutaient des travaux de passementerie qui étaient ensuite apportés à une dame de Saint Amant Tallende, intermédiaire des commerçants d'Issoire ou Clermont-Ferrand.
Mais le lin et le coton d'importation remplacèrent ce tissu rêche dans lequel on taillait des draps si solides qu'on les appelle parfois «sempiternes››.

 

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