les traditions en auvergne 63450


Nos saints Verny

 

 
 

Une croix sur le chemin qui porte son nom et sa statue dans l’église témoignent de l’importance de saint Verny dans le village vigneron qu’était Saint Saturnin. Les pailhats, qui façonnent en terrasses le paysage autour du village, parlent au quotidien de ce passé.

 Pourquoi saint Verny à Saint Saturnin et plus largement dans la vallée de l’Allier entre Brioude et Riom ?

 Mais, qui était Verny ?

 Werner naquit dans le Palatinat en 1272 dans une famille vigneronne. Orphelin à dix ans, il travailla comme berger, aide maçon et surtout mit à profit ses connaissances du travail de la vigne.

Hélas, il fut victime d’un meurtre rituel, imputé aux juifs. Il fut immolé le jeudi saint 1287. Ces circonstances firent que de nombreux miracles lui furent immédiatement attribués et son culte se répandit rapidement. Au gré des événements historiques ses  reliques se perdirent entre la Belgique et Gènes au début du XVIIème siècle.

 Comment arriva-t-il en Auvergne ?

 Des confréries apparurent en Franche-Comté, chez les vignerons, dès le XVème siècle. Le martyre de Werner et le contexte antisémite laissèrent place à une folklorisation sous les traits d’un jeune vigneron, saint Vernier.

En passant par le Beaunois et l’Auxois, il débarqua en Auvergne peut-être grâce au commerce de cépages bourguignons plus résistants aux rudesses climatiques que les cépages autochtones…

On le repère pour la première fois en Auvergne en 1567: sur une cloche de l’église de Montferrand, il taille la vigne vêtu du costume qui deviendra immuable. 50 ans plus tard  Il devint le patron de confréries  qui apparurent à Brioude, Saint Amant-Tallende, Clermont ou Riom .Comme les autres corporations de métiers, les vignerons se dotèrent d'associations pour l'entraide. Le clergé  accompagna ce phénomène : c'est pourquoi, aujourd’hui, Verny est présent dans plus de cent églises auvergnates.

 

Saint Vincent, saint Verny, saint Isidore. Rivalité et confusion.

Dans la vallée de l’Allier saint Verny s’imposa, surtout sur la rive droite, mais saint Vincent résista bien dans la vallée de la couze Pavin notamment. Coexistence dans le nom de rues comme à Aubière, partage de chapelles ailleurs (Montferrand), mais aussi menace d’abandon au profit de saint Vincent, comme à Plauzat, à la suite de vendanges calamiteuses.

La relation avec saint Isidore (de Madrid) fut plus fusionnelle. Saint protecteur des agriculteurs éleveurs, saint Isidore en vint à se confondre avec saint Verny, surtout dans les zones de polyculture, comme à Neschers ou Sauvagnat Sainte Marthe.

 Les relations orageuses des confréries avec le clergé :

 Dès l’origine, le clergé subit la volonté des vignerons de se doter de leur propre confrérie, sous le vocable de saint Verny. L’église se contenta d’accompagner cette nouveauté. Il arriva même que le clergé d'ancien régime manifeste des réticences à l'égard des confréries , tentant de canaliser voire de supprimer le culte de Saint Verny. Ses membres les plus austères tentèrent (sans succès) de remplacer des statues jugées trop bonnes vivantes par des œuvres plus sévères. Si la récolte précédente avait été abondante, la fête du saint (le 20 mai) donnait lieu à des célébrations bacchiques que les autorités ecclésiastiques qualifiaient de « godailles peu édifiantes ».

Mais le lobby viticole était plus fort.

Saint Verny et ses fidèles :

 La viticulture n’est pas un long fleuve tranquille et les aléas climatiques sont fréquents et dévastateurs. La grêle ou le gel, outre le désespoir, pouvaient générer une certaine rancœur envers le saint : il n’avait pas fait son travail. Il fallait lui faire savoir.  Souvent, on le mettait en quarantaine en tournant son visage vers le mur.  Telle confrérie (Plauzat) le menaça de se tourner vers saint Vincent. Telle autre (Auzon) enleva les bords de son chapeau en en faisant une coiffe de pénitence. Et suprême menace pour des viticulteurs, il fut question de le jeter à l’eau, dans l’Allier (Dallet) ou dans la fontaine (Corent).

Au contraire la bonne récolte faisait toiletter la statue avec du vin et était l’occasion de fêtes « dionysiaques »...peu appréciées du clergé.

Notre croix de chemin :

Elle ne conserve que son socle qui, un beau jour, disparut. Une copie, réalisée par André Beraud reçut la bénédiction de l'abbé Travers.

Un « miracle » se produisit : l'original réapparut et retrouva son emplacement originel, chemin de saint Verny. Sur une face figure la date 1866. Dans une niche creusée dans le socle, Verny est vu de face, vêtu d’une blouse à la large ceinture, de culottes bouffantes et de guêtres. Son « bousset » (tonnelet), à ses pieds, complète le portrait.

 

 

Le Saint Verny de l’église :

Classée en 1978, c’est une statue en bois dur du XVIIIème siècle. Sans doute polychrome dans sa première vie, elle fut redorée au XIXème.

Notre « gentleman farmer » au visage poupin et à la longue chevelure porte le vêtement traditionnel de nombreux confrères : une casaque longue sur un gilet boutonné, une culotte serrée au-dessus du genou. Ses mollets sont recouverts de guêtres. Ses attributs ne sont pas moins classiques : « le tassou » (la tasse à vin), « le bousset » et bien sûr la serpette afin de vendanger le cep qu’il tient de la main gauche.

Au XXIème siècle le vignoble auvergnat est en pleine renaissance. Depuis 2011 une AOP est venue reconnaître les efforts des vignerons et.... de la cave Saint Verny de Veyre-Monton. L'association Saint Verny de Saint Amant est bien vivante depuis 1615. Bientôt une nouvelle vie pour le vignoble et  saint Verny à Saint Saturnin ?....

 

 

 

Remarque bibliographique : Le livre de Pierre-François Aleil, Saint Verny, patron des vignerons en Auvergne, paru en 1982 à La française d’édition et d’imprimerie constitue la source essentielle de ce texte.

 

Gérard Canault – Mai 2022

 

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