Peintre,
gouachiste, dessinateur, graveur,
lithographe. Montmartre (96, rue Lepic)
2 juillet 1895 - La Pitié-Salpétrière 30
avril 1975. Né à six heures du matin de
Joséphine Recourcé, brodeuse et de père
non dénommé. Le 5 juin 1897 sa mère
épouse Eugène Paul, plombier et
peut-être musicien de cabaret ; le 19
décembre 1902, ils légitiment leur fils
qui a sept ans. Dès 1908, il commence à
peindre et à dessiner (“Autoportrait”,
crayon). Son père meurt en 1910, il est
alors apprenti tapissier. Paul devance
l’appel et se retrouve au 111e Chasseurs
; blessé au pied en 1914, remonté au
front, il est de nouveau blessé et, sur
l’intervention de sa mère, on l’ampute
de la jambe droite, en 1915 : »le cadeau
de mes vingt ans». De retour à
Montmartre en 1916, il épouse, à la
Mairie du XVIIIe, Fernande Pierquet, ils
s’installent au 2, impasse Girardon dans
un appartement qu’il habita jusqu’à son
décès.
Pour survivre il fait différents petits
boulots et recommence à peindre des
fleurs, des têtes et le Moulin de la
Galette, en face de chez lui. En 1917,
il vend ses œuvres, signées Gen Paul, à
Raguenaud, un brocanteur; se lie avec
Emile Boyer et Frank-Will, ils font de
la musique et avec l’argent de la manche
mènent joyeuse vie. Juan Gris au
Bateau-Lavoir lui offre pinceaux et
vieux tubes de couleurs. Mathot lui
demande des œuvres à la manière de
Monticelli, Daumier, Lebourg... Eugène
Delâtre l’initie à la gravure, il vend
des vues de la Butte à l’aquatinte aux
brocanteurs. A partir de 1920 Gen Paul
entame une évolution, ses paysages
urbains sont mieux construits ; il entre
au Salon d’Automne et commence une
longue série de voyages en France; à
Marseille Leprin le guide dans les vieux
quartiers et dans les maisons de
tolérance. 1921-1922, Gen Paul découvre
le pays basque espagnol ; Chalom
s’intéresse à ses tableaux. De 1923
datent ses premiers portraits, surtout
des clowns, ainsi que les premières vues
de Montfort-l’Amaury, l’année suivante
Gen Paul fait la connaissance de
musiciens, en particulier du violoniste
Noceti ; il voyage à Bilbao, à Motrico,
expose à Anvers et à Londres.
A partir de 1924, Gen Paul amorce une
évolution solitaire, il commence à
s’éloigner de la peinture de ses amis
Utrillo, Leprin, Génin, Quizet et
Frank-Will, chahute les sujets et en
vient à créer une forme personnelle
d’expressionnisme du mouvement ; il
trouve ses sources au Musée du Prado,
auprès du Greco, de Vélasquez et surtout
de Goya. Les visages et les personnages
prennent de plus en plus d’importance.
Jusqu’en septembre 1930, il voyage,
travaille sans arrêt, saisi d’une sorte
de frénésie créatrice faisant dire par
Me Maurice Rheims “qu’il a peint
quelques-uns des meilleurs tableaux du
siècle” durant ces cinq années. La
galerie Bing, en 1928, l’expose avec
Picasso, Rouault, Braque, et Soutine
qu’il ne connaissait pas encore. Bing
dans un long texte consacré à Gen Paul
le met au même niveau que ceux-ci. Il
peint des musiciens que l’on sent jouer,
des portraits impressionnants, ainsi que
des paysages basques, des vues de
Montmartre et de quelques villes de la
banlieue de Paris. Gen Paul signe un
contrat avec Bernheim, dénoncé après le
krach de 1929.
Epuisé par une vie trop intense, miné
par l’alcool et par une affection
contractée à Alger, Gen Paul s’écroule à
son passage à Madrid, au troisième
trimestre 1930, et manque mourir. Après
une cure, il revient à Paris et se remet
lentement. Commence alors la troisième
période de son œuvre, entre 1930 et
1945, période que certains ont qualifiée
de célinienne en raison de son amitié
avec Céline à partir de 1932, et non en
raison d’une quelconque influence de
l’écrivain sur son œuvre. Il peint assez
peu à l’huile, les couleurs sont plus
claires et le trait du dessin plus
apparent. Par contre durant ce temps ses
dessins et ses gouaches sont de grande
qualité, il élargit encore le choix des
sujets traités. Dans son atelier se
tient une sorte de cénacle qu’il préside
avec Céline et Marcel Aymé ; il est
fréquenté par des comédiens, des
musiciens, des médecins, des écrivains
et des personnages pittoresques. Parmi
les habitués Carco, Jouhandeau, Fernand
Ledoux, Berthe Bovy, les clowns Rhum et
Porto, Dorival, et René Fauchois. En
1934, le 20 octobre, il est nommé par
décret chevalier de la Légion d’honneur.
Outre ses œuvres sur toile ou sur
papier, Gen Paul réalise une fresque de
100 personnages, pour le Palais du Vin à
l’Exposition Internationale de 1937,
dessine des lithographies, se brouille
avec Céline en 1937, puis se réconcilie
avec lui. La mort de sa femme en 1939,
après 23 ans de vie commune, la guerre
toute proche, le manque d’amateurs pour
ses tableaux le démoralisent, il part
sur la Côte d’Azur à Sanary rejoindre
les peintres, puis à Marseille. Rentré à
Paris, il fréquente le restaurant de la
rue Tholozé “chez Pomme” et les amis
restés dans la capitale. Denoël lui
confie l’illustration du “Voyage au bout
de la nuit” et de “Mort à crédit”, en
1942.
La quatrième période commence en 1945,
on la qualifie de calligraphique. Gen
Paul renoue avec les milieux hippiques
qu’il peint à l’huile et à la gouache.
Avec ses amis peintres, il crée, en
1946, une fanfare pour faire parler
d’eux ; dénommée “la Chignolle” elle
comprend Agostini, Blanchard, Frank-
Will, Marcel Aymé, entre autres. Il
reprend les sujets qu’il a traités
auparavant, dessine énormément. Les vues
de la Butte et de Paris, les musiciens
entre 1948 et 1958 sont de grande
qualité. Il produit beaucoup, et le
succès est là, c’est devenu un monstre
sacré, le témoin du Montmartre du début
du siècle. Il se marie avec Gabrielle
Abet en mai 1948, et divorce en 1951.
Son fils naît en 1953, à Genève. Il
expose à Paris (chez Drouant-David,
1952, catalogue préfacé par Francis
Carco), à New York, à Genève (galerie
Ferrèro), il voyage toujours, du moins
jusqu’en 1966. A partir de 1964, il
cesse de peindre à l’huile, se réfugie
dans son appartement; c’est l’époque des
portraits dit “de télévision”. Il
continue de dessiner et de gouacher,
réalise des lithographies. Rétrospective
chez André Pacitti en 1972. Le Dr.
Miller édite un livre en hommage au
peintre qu’il lui offre le 25 décembre
1974. Hospitalisé en 1975, il meurt d’un
cancer à l’hôpital le 30 avril.
Quelques expositions lui sont consacrées
après son décès. La plus importante est
celle de 1995, à l’occasion du
centenaire de la naissance du peintre,
au Couvent des Cordeliers. Réalisée par
André Roussard et Carlo a Marca,
exposition qui réunit une centaine
d’œuvres expressionnistes de la seconde
période (1924-1930). Cent chefs-d’œuvre
pour la gloire de celui que le critique
de la Gazette de l’hôtel Drouot
commentant l’exposition qualifie ainsi :
“Gen Paul est sans doute le plus grand
représentant, et peut être le seul, de
l’expressionnisme de tradition
française”. Le catalogue comporte une
préface d’André Roussard, un texte du
Dr. Miller, une biographie ainsi qu’une
analyse d’a Marca responsable de
l’édition du catalogue.
Œuvres aux Musées de Berne et de
Granville ; le Musée d’Art Moderne de la
Ville de Paris conserve dans ses
réserves deux grands tableaux de la fin
des années 30.
Œuvre graphique.
Dans les années 1919-1920, Gen Paul
apprend la technique de la gravure
auprès d’Eugène Delâtre, qui imprime les
eaux-fortes dans son atelier, rue Lepic.
Le peintre réalise des petits tableaux,
des vues de la Butte, modèles pour des
aquatintes dont le tirage dépend du
succès de chaque sujet. La plupart non
numérotées, elles sont parfois signées
Paul Trélade ou Eugène Lautral. A la fin
des années 20, pendant sa période
expressionniste il grave au burin ses
sujets favoris, des musiciens, des
maternités, des portraits. Il ne
numérote pas toujours ces superbes
estampes, et les signe parfois. Vers la
fin des années 30, il grave quelques
burins, dont des portraits de Céline ;
l’un d’eux est reproduit dans “Le
Figaro” du 4 décembre 1998, à l’occasion
de la mise en vente à Drouot du
manuscrit “Normance”, deuxième volume de
l’ensemble “Féerie pour une autre fois”,
ainsi que celui des “Entretiens avec le
professeur Y”, textes écrits dans
l’immeuble de la rue Girardon. Après la
seconde guerre, Gen Paul réalise un
assez grand nombre de lithographies, en
noir, en sépia et en couleurs, en petite
dimension ou en format jésus, toujours
signées et numérotées (ou en E.A.).
André Roussard, depuis de nombreuses
années, dresse le répertoire et archive
la documentation sur la vie et l’œuvre
du peintre.
“Pendant des années il a payé à coup de
gouaches et de dessins le bistrot, le
boucher, la crémière. Toute sa vie son
carnet de croquis a été son carnet de
chèques. Il n’en a jamais possédé
d’autres.” (Hélène Demoriane -
Connaissance des Arts).
Il disait “Ma seule galerie c’est
l’hôtel Drouot”, et aussi “C’est
difficile d’être une gloire rue Lepic.
Après van Gogh, Courteline, Renoir”. |
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