Une pianiste précoce
Blanche Selva, d’origine catalane, naît
à Brive la Gaillarde en 1884. Elle
commence le piano à 4 ans 1/2 ; admise,
avant l’âge requis, en classe
préparatoire du Conservatoire de Paris,
elle y obtient une première médaille
Elle en démissionne à 12 ans,
insatisfaite de l’enseignement. C’est
donc une autodidacte qui travaille seule
ses dons exceptionnels.
A 13 ans, elle a déjà des élèves
et donne son premier concert public à
Lausanne. Sa rencontre à 16 ans avec
Vincent d’Indy est déterminante pour sa
carrière. Il la nomme professeur de
piano à la Schola Cantorum, à 18 ans !
Elle partagera avec lui des valeurs
essentielles sur l’Art au point d’être
considérée comme sa « fille spirituelle
».
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A
20 ans, première intégrale pour
clavier de Bach
Elle accepte le défi de jouer en 17
concerts l’intégrale de l’œuvre pour
clavier de J. S. Bach. C’est une
première en France. Elle étonne le
public comme les critiques par la
diversité de son interprétation. Bach
est l’un de ses compositeurs préférés.
Les annotations et les conseils
d’interprétation qu’elle porte sur les
partitions du Cantor restent encore
aujourd’hui d’actualité.
Dès l’âge de 25 ans, elle joue les
sonates de Beethoven avec suffisamment
d’intelligence et de spiritualité pour
aborder ce compositeur dans la vérité de
son expression. Elle donnera les 32
sonates plusieurs fois, en particulier à
Barcelone en 1927.
César Franck est un autre de ses
compositeurs favoris. Elle interprète
Prélude, Choral et Fugue avec toutes les
intentions et la couleur voulues par son
créateur. Ce sera une des rares œuvres
avec la Partita N°1 de Bach qu’elle
enregistra en 1929.
Elle joue avec la même vérité Rameau,
Couperin, Scarlatti, Schumann, Chopin,
en extasiant chaque fois l’auditoire :
l’esprit des maîtres semble la pénétrer
et animer ses doigts.
Interprète préférée de la nouvelle Ecole
Française
Blanche Selva ouvre ses programmes à son
« Maître » Vincent d’Indy, mais aussi à
ses amis compositeurs de la Schola
Cantorum. Ils lui dédient des œuvres et
lui en confient la création de même
qu’Albert Roussel, Paul Dukas, Albéric
Magnard, Jean Roger-Ducasse. Pour Déodat
de Séverac, ami et compositeur proche en
esprit dont elle achève la dernière
œuvre et écrit la biographie, elle crée
aussi plusieurs compositions pour piano.
Isaac Albéniz lui demande la relecture
d’Iberia dont elle maîtrise les
difficultés et les nouveautés
pianistiques. Elle en crée les cahiers.
Elle interprète aussi Fauré, Debussy,
Ravel, Honegger, Migot, Chabrier,
Castillon, Rachmaninov….
Elle-même compose des mélodies, des
pièces pour piano et un oratorio. |
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Admirée des grands pianistes
de son temps
Blanche Selva est, à son époque,
la pianiste française la plus
renommée. Elle sillonne la
France et l’Europe pour donner
un nombre incalculable de
concerts et de récitals, souvent
accompagnés de conférences
explicatives remarquées. Sa
notoriété égale celle de Ricardo
Viñès, Robert Casadesus, Edouard
Risler, Alfred Cortot.
Alfred Cortot, avec qui elle
travaille, notamment lors de la
fondation de l’Ecole Normale de
Musique la tenait pour une
pianiste « … d’une disposition
instrumentale privilégiée. ».
Elle joue, bien entendu souvent
avec Vincent d’Indy, mais aussi
avec Gabriel Pierné, Eugène
Ysaye, Albert Schweitzer, Pablo
Casals, Georges Enesco.
De 1920 à 1924, Blanche Selva se
consacre à la promotion en
France de la musique tchèque et
fait connaître en Europe
centrale la musique française.
En 1925, elle s’installe à
Barcelone et forme avec le
violoniste catalan Joan Massià
un duo apprécié. En 1930, sa
carrière d’interprète est
brutalement interrompue par la
maladie mais elle n’en poursuit
pas moins son enseignement avec
énergie.
Un jeu exceptionnel, puissant,
clair et délicat
Son jeu est à la fois puissant,
varié, lumineux et d’une grande
légèreté rythmique avec des
sonorités d’une infinie variété,
captivant l’auditoire.
Elle prépare minutieusement les
œuvres qu’elle interprète grâce
à sa connaissance encyclopédique
des formes et des courants
musicaux, en révélant leur
richesse spécifique. Contrôle de
la dynamique, sûreté, perfection
du rythme et sonorité
exceptionnelle, telles sont les
qualités de jeu qui furent le
plus souvent mentionnées. |
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Une pédagogue novatrice
Intimement consciente et
pénétrée de l’importance des
messages laissés par les maîtres
classiques, et de leur pensée
métaphysique, Blanche Selva a
voulu transmettre ce qu’elle
avait expérimenté au cours de sa
carrière d’interprète. Elle a
consigné par écrit ses
découvertes qui permettaient
d’interpréter avec sincérité,
éclat, sûreté les oeuvres du
passé aussi bien que les
créations de ses contemporains.
Elle fut la première en France à
pratiquer une méthode
rationnelle, dégagée de tout
empirisme, basée sur une
approche corporelle et des
techniques d’attaque en donnant
au rythme et au silence leurs
places essentielles. Elle ouvrit
ainsi la voie au futur en
augmentant pour l’interprète le
champ des possibles tout en
restant au service de l’Art et
de la Vérité.
Elle forma des professeurs
chargés de diffuser sa méthode
et eut plus de 2000 élèves dont
Henri Gagnebin, Berthe Poncy-Jacobson,
Georges Auric, Emiliana de
Zubeldia, Marcel Péhu,
Marguerite Gauthier-Villars,
Robert Lopez, Xavier Gols,
Fructuoso Vianna, Jean Witkowski,…
Auteur de nombreuses
transcriptions, attestant de
l’intelligence et de la
profondeur de ses recherches,
elle a relu, revu, annoté et
doigté de multiples partitions
classiques et contemporaines.
Blanche Selva, une artiste hors
du commun
Par son amour ardent de l’Art,
son intelligence, son
tempérament, son courage, son
abnégation et son
désintéressement, sa volonté de
partage, sa puissance de
travail, Blanche Selva est
vraiment une artiste
d’exception.
Elle meurt à St Amand Tallende
(Puy de Dôme) en 1942 à l’âge de
59 ans.
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« … l’interprète doit
disparaître pour que l’œuvre
se réalise. Il doit se
donner tout entier et ne
jamais penser à lui… Si le
compositeur ne doit être,
réellement, que le serviteur
de son art, l’interprète
véritable n’est que le
serviteur de ce serviteur et
son unique gloire est de
passer inaperçu …, c’est
alors que l’interprète
devient lui-même un
créateur. Il est, il doit
être, du moins, comme le
complément de cet auteur ;
c’est à lui que l’œuvre est
confiée. Il doit s’efforcer
de la connaître et de
l’aimer… ».
Blanche Selva,
Causerie sur l’Art et son
interprétation, 1911 |
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Elle enseigna
Schola Cantorum
Ecole Normale de Musique
Conservatoire de Strasbourg
Conservatoire de Prague
Cours d’interprétation au Mas del Sol à
Brive
Créatrice des « Cours Blanche Selva »
Membre du jury du Conservatoire
Fondatrice de l'Ecole Blanca Selva de
Barcelone
et de l’Academia de Música de cette
ville
Elle a écrit
La Sonate (1913)
L’Enseignement musical de la technique
du Piano - 7 vol. (1916-1924)
Les sonates de Beethoven (1927)
Déodat de Séverac (1930)
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