bertrans queylard


LES GENS D’ICI

Mario BRANCO

« La pierre, on peut partir, la trace reste »

De Fatima à Saint-Saturnin

De Fatima à Saint-Amant, en passant par Tallende, le musée de Clermont – Ferrand, Chanonat, Saint-Saturnin. A la recherche de la pierre et des chantiers réalisés par « Branco », comme il aime à rappeler son nom, et son fils Mario, l’on trouve père et fils unis par la pierre et l’art du travail bien fait. Quand nous avions demandé à Mario de réaliser son portrait, l’union des deux personnages déjà s’imposait, ne serait-ce parce que selon Mario « Sans mon père je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui, j’ai tout appris de lui. »

Tout a commencé à Fatima donc, au Grand Séminaire sur les traces d’un oncle architecte de la Basilique, où, ayant appris le métier de maçon ‘sur le tas’ et n’adhérant plus au régime dictatorial et colonisateur de Salazar qu’il a subi en étant réquisitionné cinq fois de force dans l’armée, « Branco » fuit son pays et rejoint un ami à Clermont-Ferrand ; sa famille, sa femme et Mario, ne le rejoindront que deux ans et demi plus tard. C’est Louis Jouet et son comptable, Joseph Pueyo, qui l’accueillent à Saint-Amant le 11 mai 1961, lui donnent du travail, et des primes. Le patois occitan facilite la compréhension et la langue entre lui et un autre ouvrier cantalou et la pierre fait le reste. Projet après projet, pierre de Volvic après pierre de Volvic, les sacs sont endossés, les pierres montées avec la seule force de ses bras par lesquels elles passèrent toutes, puis taillées à l’outil : masse, têtu, chasse, massette ronde, pointrolle et ciseau. Les murs sont bâtis, comme celui du pont de la papeterie à Saint Amant, 9 mètres 15 de hauteur et une pierre ronde, en haut, avec une date, 1964, et des initiales, pour l’inscription desquelles il a dû batailler.

Et c’est la même passion, le même sens du travail

Et c’est la même passion, le même sens du travail qui anime Mario, rentrant à Corent en apprentissage de maçonnerie le 6 août 1974 et sortant deuxième de promotion du Puy de Dôme, la première place manquée à cause d’une arête retravaillée selon la technique de son père, pas à l’institutionnelle ! C’est bien le sens de la pratique, du travail, une certaine quête de liberté et de recherche de confiance pour le patron et de respect en retour, qui l’anime lui, comme son père. L’OHQ, Ouvrier Hautement Qualifié enchaîne alors les projets, en plus d’être gardien de foot numéro un : de la maison du chef de la Banque de France en pierre d’Arkoze, à Saint Amant. Mario reçoit un jour la proposition de rejoindre la mairie de Saint-Saturnin, car M. Rosé, ancien maçon de la commune, arrête sa carrière. Après réflexion, il accepte en 1988 car il n’était alors pas totalement satisfait de l’ambiance dans son travail. Ce sont alors des rencontres, dont celle avec René Villedieu, et d’autres chantiers et projets que Mario marque de son empreinte - le premier d’entre eux, le square de l’anniversaire du jumelage avec Jettenbach. Puis ce sera le mur du cimetière de la Madeleine, les murs du Château vers le portail et en contrebas, une partie de la tour sur la rue, à Chadrat, « de la pierre en pagaille », la restauration d’une fontaine, d’un four, la place du marché et son puit, le mur, l’escalier et les poteaux devant l’église commandés par Mr Mirande pour y poser des fleurs pour un prestigieux mariage et la question d’un certain grand Monsieur, ancien Président… « Ce sera prêt ? ».

« La fierté que j’ai »

Tellement de projets, que l’on a envie de demander « Mais au fait, vous avez porté combien de tonnes de pierres, à deux, dans votre carrière ? ». Secret. Tout comme la recette de la poudre de chaussure ou telle teinte de pierre que souhaitait connaître une certaine ABF (Architecte des Bâtiments de France ndlr). Car il en a croisé des ABF, des maires et adjoints, en a vécu des engueulades et des casse-croûtes payés pour remercier. Ce qui reste, pour père et fils, c’est « la fierté que j’ai » et « le plaisir d’avoir travaillé dans cette commune ». Et quand on demande s’il y a un regret, que la réponse est « Une formation pour sculpter la pierre à Egletons », on a envie de dire qu’il n’est jamais trop tard. Et puis soudain, ça y est, 3 heures et demie sont passées d’une histoire de famille, d’une histoire européenne, d’une histoire de travail, de passion. On continue sur le monde moderne et le monde passé. Le temps passe trop vite, mais heureusement, que « Nous, on peut partir, mais par la pierre, la trace, reste. » Et l’humain, aussi.

   
 
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