Certes,
Albert, après son bac littéraire, a
poursuivi des études de langues
appliquées en se préparant à
une carrière dans le commerce
international. Certes, son premier
emploi « bilingue » fut à Strasbourg
(chut !!!, un premier amour…), la
préparation pendant deux ans d’une
exposition d’archéologie industrielle
sur le gaz de coke. Certes il y eut,
après le service militaire à Issoire
comme sergent en charge des jeunes
recrues, l’emploi dans un laboratoire
d’analyses…
Mais il y a
les surprises de la vie, le poste
international chez Alcan à Issoire qui
échappe et le hasard d’une proposition
de Casino pour le secteur des produits
frais et de la marée grâce à la
suggestion d’un frère : Albert
continue d’explorer les opportunités, et
de préserver sa liberté en refusant
de diriger les autres.
30 ans de
métier, ce peut être la routine. Et
Casino change, passe de la famille
propriétaire aux groupes financiers, les
directeurs se succèdent, et ainsi que
les orientations contradictoires…
C’est le moment d’un nouveau projet
et Evelyne, l’élue, dégotte le lieu du
coup de cœur, Saint-Saturnin. Mais
l’ancien employeur est impitoyable et la
reprise très difficile. Un an plus tard,
c’est fait. Albert, bien sûr, maîtrise
la gestion technique, mais il lui faudra
encore un an, dur, pour définir son
assortiment et aussi montrer patte
blanche comme s’il fallait abolir une
ancienne méfiance.
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Aujourd’hui
le travail est fatiguant, il y a des
pertes sur les produits frais, mais les
prix sont tenus, l’épicerie vit même
l’hiver.
Albert a le sentiment d’avoir pris sa
place dans le village. A preuve
l’ambiance sereine du magasin, le
sourire toujours présent, la porte qui
s’ouvre pour juste un petit « coucou !»,
l’assiduité confiante des petits
clients, et les bonnes relations avec
les autres commerçants...« La boite à Melis » est fidèle à son enseigne, et surtout à
son créateur qui la veut une halte de
sérénité, de gentillesse et de gaité.
Un bon moment du quotidien, qu’Albert
embellit de
ses magnifiques chemises...
Et puis la
liberté, toujours : «
Autrefois c’était Vival, maintenant
c’est Albert », car c’est lui,
désormais, qui choisit ses fournisseurs
et traite avec eux. La liberté, c’est
aussi la responsabilité ; d’où
la formation en hygiène alimentaire
suivie pendant le confinement.
Au long de ce
parcours,
un fil rouge : la famille.
Construite avec Evelyne qui collabore à
l’épicerie et Laurine née en 95. Les
frères, déterminants dans le parcours
professionnel. Et les parents :
«
Ils sont partis de rien et les enfants
n’ont manqué de rien, même si le Père
Noël est parfois resté coincé dans la
cheminée ». Et les parents, c’est
aussi le centre de
la Sardaigne qu’ils ont dû quitter comme tant d’autres, et qu’Albert
a fréquentée l’été jusqu’à ses 10 ans :
la grand-mère toute en noir, l’eau qu’on
prend au puits du village, le jardin,
les légumes, la cuisine à l’huile
d’olive, les figues de Barbarie et les
kakis, le journal du père « Il messagero
sarde ». C’est le père, maçon et
tailleur de pierre, donc
un peu artiste, qui a transmis à ses
enfants pendant les activités partagées
l’hiver le goût de créer avec les mains
; aujourd’hui des meubles très purs
japonisants pour l’un, la peinture de
fleurs, le modelage pour Albert.
Et la langue
sarde, comme un code secret entre les
enfants ..
« Ita ses fadendu ? »
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