L’Azuré
’Azuré du Serpolet |
Bonjours chers Amis,
Peut-être m’avez vous déjà remarqué mais
sans doute sans réelle attention de vous
intéresser vraiment à moi, juste en vous
disant « Oh le joli petit papillon bleu
!!! »
Eh oui, je me nomme l’Azuré du serpolet
(Maculinea arion) et vis ici sur la
commune de Saint-Saturnin parmi bien
d’autres papillons dits « de jour »,
mais moi, j’ai quelque chose de
remarquable et je vais vous raconter une
partie de mon histoire …
Tout d’abord, je fais partie de ces 140
espèces environ de papillons, répartis
en cinq familles, que l’on peut observer
rien que dans notre cher département du
Puy-de-Dôme*. Moi, j’appartiens à l’une
de ces cinq familles, les Lycénidés, qui
comprend entre autres les petits
papillons bleus fréquents dans nos
prairies et jardins.
Il s’agit de l’une des plus grandes
espèces de la famille, mais aussi de
l’une des plus menacées, en Auvergne
comme sur l’ensemble de sa répartition.
On est surtout présents à l’étage des
collines mais on peut encore nous
observer à plus de 1400 m d’altitude !!!
A Saint-Saturnin, vous me croiserez
surtout de la mi-juin à la fin du mois
de juillet sur les prairies sèches et
les friches bien exposées au soleil
comme sur les coteaux de la vallée de la
Monne et de la Veyre. Mais ATTENTION !
pas question de m’attraper car je suis
nominalement et intégralement protégé
!!! Ma capture est donc interdite. A
titre d’exemple, en moins d’un siècle,
mon espèce avait entièrement disparu de
Grande-Bretagne, où nous venons
toutefois d’être réintroduits avec un
certain succès. Dans le Puy-de-Dôme,
nous sommes encore bien présents,
principalement dans le centre et le
sud-ouest du département.
Quand vous me rencontrez, je suis à
l’état d’imago, c’est à dire à l’état
d’insecte qui a achevé son
développement, en l’occurrence, papillon
proprement dit comme tous mes autres
congénères plus ou moins colorés qui
viennent apporter une touche de poésie
dans vos promenades. Car vous savez
aussi qu’avant, j’ai été à l’état de
chenille, puis de chrysalide avant de me
montrer comme ça au grand jour … mais si
j’ai pu me transformer ainsi, c’est
grâce à une symbiose extraordinaire et
obligatoire, avec la présence de mes
plantes hôtes, divers thyms (Thymus sp.)
tel le serpolet et l’origan, mais
surtout, mon cycle de vie est
strictement dépendant de la présence
d’une à deux espèces de fourmis (Myrmica
sp.) sans qui mon existence ne serait
plus possible … écoutez bien …
Quand j’étais dans l’état de chenille,
je me nourrissais des fleurs du Thym
faux-pouliot ou de l’Origan commun, puis
un beau jour, à un moment précis de ma
croissance, je me suis fait transporter
par une espèce spécifique de fourmis (Myrmica
sabuleti en Auvergne)* dans leur
fourmilière. Là, je me demandais bien où
ces étranges créatures toutes ternes,
qui n’ont rien à voir avec nous autres,
voulaient en venir … Elle m’ont tout
simplement proposé mon adoption pour
passer l’hiver au chaud et finir ma
croissance en signant un pacte : celui
de me nourrir de larves de fourmis et de
produire en échange un miellat dont ces
dernières sont friandes. Difficile de
refuser une pareille proposition,
nourrie, logée au chaud alors que la
température extérieure descend de jour
en jours !!! Et c’est comme ça que moi,
toujours bien « coucounée » dans cette
fourmilière, ai fini ma vie de petite
chenille avant de me transformer en
chrysalide.
Enfin, au début de l’été, j’ai senti en
moi de grands changements pour me
transformer en papillon. Bien sûr, ça ne
s’est pas fait tout seul, ça m’a demandé
de gros efforts pour sortir de ce sac de
couchage !!! mais alors, quelle
récompense de pouvoir prendre mon envol
pour découvrir les belles prairies de
Saint-saturnin où il fait bon butiner.
L’endroit idéal pour rechercher une
compagne et m’accoupler afin de
sauvegarder mon espèce ! Nos œufs seront
alors pondus sur les fleurs des thyms
sauvages, d’où mon nom, vous vous en
rappelez ??? « l’Azuré du serpolet ».
En effet, notre espèce ne peut survivre
sans « notre » thym et « notre » fourmi,
qui doivent en outre être présents l’un
et l’autre en densité assez élevée pour
assurer notre pérennité. Ici bas, la
fermeture des prairies par l’abandon du
pâturage extensif est le principal
danger qui pèse sur notre superbe espèce
« Lycénidé ».
Voilà chers amis la fin de mon récit,
peut-être me regarderez vous avec un
autre œil la prochaine fois que vous me
croiserez sur nos chemins, en pensant à
cet équilibre indispensable, sans cesse
sur le fil du rasoir, où tout peut en
effet basculer, et à tout moment d’un
coté comme de l’autre.
D’après un écrit d’Alexandre TEYNIE
* Bachelard P. & Fournier F., 2008 –
Papillons du Puy-de-Dôme. Atlas
écologique des Rhopalocères et Zygènes.
Editions Revoir, Nohanent, 232 pages.
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