LE PETIT JOURNAL
 

PETIT JOURNAL des Amis de Saint Saturnin – n° 17 – juillet 2011
 

L’Azuré ’Azuré du Serpolet

Bonjours chers Amis,

Peut-être m’avez vous déjà remarqué mais sans doute sans réelle attention de vous intéresser vraiment à moi, juste en vous disant « Oh le joli petit papillon bleu !!! »

Eh oui, je me nomme l’Azuré du serpolet (Maculinea arion) et vis ici sur la commune de Saint-Saturnin parmi bien d’autres papillons dits « de jour », mais moi, j’ai quelque chose de remarquable et je vais vous raconter une partie de mon histoire …

Tout d’abord, je fais partie de ces 140 espèces environ de papillons, répartis en cinq familles, que l’on peut observer rien que dans notre cher département du Puy-de-Dôme*. Moi, j’appartiens à l’une de ces cinq familles, les Lycénidés, qui comprend entre autres les petits papillons bleus fréquents dans nos prairies et jardins.

Il s’agit de l’une des plus grandes espèces de la famille, mais aussi de l’une des plus menacées, en Auvergne comme sur l’ensemble de sa répartition. On est surtout présents à l’étage des collines mais on peut encore nous observer à plus de 1400 m d’altitude !!!

A Saint-Saturnin, vous me croiserez surtout de la mi-juin à la fin du mois de juillet sur les prairies sèches et les friches bien exposées au soleil comme sur les coteaux de la vallée de la Monne et de la Veyre. Mais ATTENTION ! pas question de m’attraper car je suis nominalement et intégralement protégé !!! Ma capture est donc interdite. A titre d’exemple, en moins d’un siècle, mon espèce avait entièrement disparu de Grande-Bretagne, où nous venons toutefois d’être réintroduits avec un certain succès. Dans le Puy-de-Dôme, nous sommes encore bien présents, principalement dans le centre et le sud-ouest du département.

Quand vous me rencontrez, je suis à l’état d’imago, c’est à dire à l’état d’insecte qui a achevé son développement, en l’occurrence, papillon proprement dit comme tous mes autres congénères plus ou moins colorés qui viennent apporter une touche de poésie dans vos promenades. Car vous savez aussi qu’avant, j’ai été à l’état de chenille, puis de chrysalide avant de me montrer comme ça au grand jour … mais si j’ai pu me transformer ainsi, c’est grâce à une symbiose extraordinaire et obligatoire, avec la présence de mes plantes hôtes, divers thyms (Thymus sp.) tel le serpolet et l’origan, mais surtout, mon cycle de vie est strictement dépendant de la présence d’une à deux espèces de fourmis (Myrmica sp.) sans qui mon existence ne serait plus possible … écoutez bien …

Quand j’étais dans l’état de chenille, je me nourrissais des fleurs du Thym faux-pouliot ou de l’Origan commun, puis un beau jour, à un moment précis de ma croissance, je me suis fait transporter par une espèce spécifique de fourmis (Myrmica sabuleti en Auvergne)* dans leur fourmilière. Là, je me demandais bien où ces étranges créatures toutes ternes, qui n’ont rien à voir avec nous autres, voulaient en venir … Elle m’ont tout simplement proposé mon adoption pour passer l’hiver au chaud et finir ma croissance en signant un pacte : celui de me nourrir de larves de fourmis et de produire en échange un miellat dont ces dernières sont friandes. Difficile de refuser une pareille proposition, nourrie, logée au chaud alors que la température extérieure descend de jour en jours !!! Et c’est comme ça que moi, toujours bien « coucounée » dans cette fourmilière, ai fini ma vie de petite chenille avant de me transformer en chrysalide.

Enfin, au début de l’été, j’ai senti en moi de grands changements pour me transformer en papillon. Bien sûr, ça ne s’est pas fait tout seul, ça m’a demandé de gros efforts pour sortir de ce sac de couchage !!! mais alors, quelle récompense de pouvoir prendre mon envol pour découvrir les belles prairies de Saint-saturnin où il fait bon butiner. L’endroit idéal pour rechercher une compagne et m’accoupler afin de sauvegarder mon espèce ! Nos œufs seront alors pondus sur les fleurs des thyms sauvages, d’où mon nom, vous vous en rappelez ??? « l’Azuré du serpolet ».

En effet, notre espèce ne peut survivre sans « notre » thym et « notre » fourmi, qui doivent en outre être présents l’un et l’autre en densité assez élevée pour assurer notre pérennité. Ici bas, la fermeture des prairies par l’abandon du pâturage extensif est le principal danger qui pèse sur notre superbe espèce « Lycénidé ».

Voilà chers amis la fin de mon récit, peut-être me regarderez vous avec un autre œil la prochaine fois que vous me croiserez sur nos chemins, en pensant à cet équilibre indispensable, sans cesse sur le fil du rasoir, où tout peut en effet basculer, et à tout moment d’un coté comme de l’autre.

D’après un écrit d’Alexandre TEYNIE
* Bachelard P. & Fournier F., 2008 –
Papillons du Puy-de-Dôme. Atlas
écologique des Rhopalocères et Zygènes.
Editions Revoir, Nohanent, 232 pages.

 
 

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